Compte-rendu
Expédition Makay à Madagascar
"Expédition Makay à Madagascar", conférence du 23 mars 2018
Compte-rendu de Roger Cans
Barbara Réthoré et Julien Chapuis étaient venus en 2016 à La Flèche présenter leur film sur la faune d’Amérique centrale (Panama et Colombie), à l’invitation de l’association Fous de Nature et son président, Pascal Fournié. Ils sont revenus le 23 mars 2018 au théâtre de la Halle au blé présenter un film intitulé « Madagascar, expédition en terre Makay ». Diffusé en avant-première à La Rochelle et en Périgord, le film sera diffusé sur ARTE en mai prochain.
Le film retrace les aventures d’une expédition de six semaines organisée en 2017 par Evrard Wendenbaum, grand connaisseur du Makay, un massif montagneux de 4.000 km2 situé au sud-ouest de l’île de Madagascar. Le site avait fait l’objet d’un premier inventaire naturaliste en 2010-2011, en période humide. Il s’agissait cette fois-ci de poursuivre l’inventaire en période sèche. Pour mener cet inventaire, Evrard a recruté 120 personnes, scientifiques, «écovolontaires » et personnels de service (cuisiniers, porteurs), répartis en trois camps, distants chacun de moins d’une journée de marche. Chaque jour, de petites équipes partaient en exploration dans un terrain très accidenté, formé de gorges profondes, de falaises et de plateaux désertiques. Le terrain, formé de couches sédimentaires au fond de la mer, s’est retrouvé ensuite à découvert et soumis à l’érosion. On retrouve au fond des canyons des troncs d’arbres de bois pétrifié, qui témoignent d’anciennes forêts aujourd’hui disparues.
La déforestation et l’érosion ont produit une compartimentation des territoires, qui a entraîné des micro-endémismes dans la flore et la faune, au sein même d’une île où la moitié des oiseaux sont endémiques et où l’on dénombre 104 espèces de lémuriens, tous endémiques. D’où l’intérêt des inventaires menés par des scientifiques comme Barbara Réthoré, biologiste spécialiste des cétacés, et Julien Chapuis, spécialiste des primates, qui sont devenus des naturalistes généralistes, capables à la fois d’escalader une falaise ou de plonger dans un canyon. C’est ainsi qu’ils ont découvert dans une mare un crabe d’eau douce inconnu, qui a été identifié comme une espèce nouvelle par un spécialiste de Washington et un laboratoire allemand. Exceptionnellement, il a été sacrifié, mais des photos suffisent la plupart du temps. Une spécialiste du Muséum d’histoire naturelle s’est attachée à l’étude des mousses et des fougères. Pour la flore, un herbier est laissé au pays hôte, et un autre emporté par le botaniste étranger.
Au total, 1.229 espèces de faune et flore ont été identifiées dans la grande île. On y a trouvé une trentaine de caméléons, dont certains ne sont pas plus gros que le petit doigt, ainsi que des grenouilles minuscules, très colorées pour échapper aux prédateurs. Le plus grand carnivore de l’île est le « fusa », que l’expédition a pu prendre en photo la nuit grâce à un piège photographique. Cet animal est très menacé, car il est soupçonné de s’en prendre au bétail, mais comme il grimpe aux arbres et en redescend la tête en bas, il est bien trop petit pour attaquer un zébu ou même un mouton. L’expédition a identifié plusieurs poissons mais n’a pas pu étudier les chauves-souris, car l’étudiant du Muséum qui devait le faire n’était pas là.
Barbara et Julien ont pu monter dans un baobab géant, qui a réussi à pousser au bord d’une falaise à 200m au-dessus du fond de la gorge. Le baobab subsiste parce que son tronc lisse ne contient que des fibres et de l’eau, mais pas de bois. De ce fait, il n’est pas exploité, et il est impossible de déterminer son âge. Le Makay est inhabité mais entouré de villages. Ne s’y risquent que ceux qui bravent l’interdit du « fad », ce tabou qui réserve les lieux aux morts. Quelques peintures rupestres sommaires témoignent d’une fréquentation très localisée, sous des abris rocheux difficiles d’accès.
Grâce à Evrard, athlète et fin connaisseur du massif – merci Google Earth et les drones !—, grâce à Barbara et Julien, naturalistes accomplis, soucieux de vulgarisation et de pédagogie, le grand public va pouvoir découvrir sur écran les mystères d’un territoire que très peu, en dehors de Nicolas Hulot et son émission Ushuaïa, ont la chance de connaître.
Roger Cans - 29 mars 2018
Photos : Catherine Ebbs-Perin
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